
En gastronomie, les classements se succèdent et se ressemblent. Celui du magazine britannique Restaurant, annoncé hier à Londres, a pour lui deux singularités. En premier lieu, il entend juger - vaste programme! - les cuisines du monde entier; il fait par ailleurs chaque année beaucoup tousser et glousser dans ces mêmes cuisines.
Pas de surprise au palmarès puisque le trio gagnant est le même que ces trois dernières années: le Catalan Ferran Adrià (El Bullì), désigné meilleur chef du monde, précède le Britannique Heston Blumenthal (Fat Duck) et le Français Pierre Gagnaire. La tête de liste préfigure de même le reste du classement, privilégiant la cuisine censément expérimentale ou «déconstructiviste», spectaculaire. Une liste où dominent les chefs anglo-saxons (six Britanniques et sept Américains) et hispaniques (7), même si la France parvient péniblement à y conserver une dizaine de représentants.
Parmi les nouveautés de cette édition 2008, la plus renversante est l'irruption de Philippe Rochat, surgissant du néant au 27e rang. Gérard Rabaey apparaît lui aussi pour la première fois, à la 90e place. Pas plus ému que cela, le chef de l'Hôtel de Ville de Crissier est allé chercher son «oscar» hier soir à Londres, mais n'est pas resté pour le dîner: «Pas question de rater le service du lendemain...»
Ce classement est le fait de 682 votants, restaurateurs ou critiques gastronomiques, réunis au sein de 23 «panels régionaux»: chacun est appelé à voter pour cinq restaurants, dont au maximum deux dans sa région et à l'exclusion du sien. La Suisse se trouve ici rattachée au groupe de l'Autriche et du Liechtenstein, entre autres bizarreries. Parmi les jurés suisses, Gérard Rabaey, Didier de Courten et André Jaeger - ceci suffisant sans doute à expliquer cela. Autre nouveauté, les jurés étaient appelés à élire en outre leurs cinq tables favorites dans leur région de domicile. Le Domaine de Châteauvieux de Philippe Chevrier obtient ici sa médaille de consolation, devançant le Fischerzunft d'André Jaeger, à Schaffhouse.
On pourra à l'infini s'interroger sur la pertinence de tels classements. Sur l'absence de l'Asie, en dépit d'un réservoir de formidables tables, les airs anglo-saxons et furieusement moléculaires du vote, la hiérarchie chahutée qui met au même plan brasseries chics - l'Atelier de Robuchon - et fleurons de la gastronomie ou encore sur le rôle des sponsors, extrêmement présents dans cette opération. Alors, tout et son contraire? Gérard Rabaey en sourit, lui qui ne se cache pas d'avoir voté pour son ami Philippe Rochat.
L'intégralité du classement sur http://www.theworlds50best.com
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